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France : mise en examen de Lafarge pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie
La Cour de cassation a définitivement confirmé, mardi, la mise en examen pour complicité de crimes contre l'humanité du cimentier français Lafarge, qui a maintenu une cimenterie en Syrie jusqu'en 2014 malgré la présence de jihadistes. Les poursuites pour mise en danger de la vie d'autrui ont été annulées, la loi française n'étant "pas applicable" aux salariés syriens.

C'est un nouveau coup dur pour le cimentier Lafarge dans le dossier syrien. La Cour de cassation a définitivement validé, mardi 16 janvier, la mise en examen pour complicité de crimes contre l'humanité de l'entreprise française, qui a maintenu une cimenterie en Syrie jusqu'en 2014 malgré la présence de jihadistes.

La Cour a toutefois définitivement annulé ses poursuites pour mise en danger de la vie d'autrui, "la loi française n'étant pas applicable" aux salariés syriens, a expliqué la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français dans un communiqué.

Le groupe Lafarge est soupçonné d'avoir versé entre 2013 et 2014 plusieurs millions d'euros à des groupes terroristes via sa filiale syrienne, dont le groupe État islamique, afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, en Syrie, alors que le pays sombrait dans la guerre. L'enquête française a estimé ces versements entre 4,8 et 10 millions d'euros pour le seul groupe EI.

L'ONG Sherpa et le Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits humains, qui avaient porté plainte contre le cimentier avec onze anciens salariés de Lafarge en Syrie, ont salué "la reconnaissance de la compétence des juridictions françaises pour juger des crimes internationaux commis à l’étranger par des acteurs économiques".

Les deux associations ont néanmoins regretté "la restriction de l’accès à la justice des salariés syriens dont la vie a été mise en danger par Lafarge", ont-elles indiqué dans un communiqué. 

🚨#Lafarge en #Syrie : La Cour de cassation maintient la mise en examen de Lafarge pour complicité de crimes contre l'humanité mais annule celle pour mise en danger de la vie d’autrui.

Une décision consternante pour l'accès à la justice des victimes 👉 https://t.co/VGGbGNdNxV pic.twitter.com/yPQ7TXkB7g

— Sherpa (@Asso_Sherpa) January 16, 2024

L'affaire avait d'abord été révélée dans la presse. La journaliste Dorothée-Myriam Kellou, avec plusieurs de ses collègues, a publié en juin 2016 une enquête à ce sujet dans Le Monde. Les révélations des journalistes vont pousser Bercy à déposer une plainte qui donnera lieu à l’ouverture d’une enquête – judiciaire, cette fois – préliminaire en septembre 2016.

En 2018, Lafarge a été mis en examen en tant que personne morale pour "complicité de crimes contre l'humanité", "mise en danger de la vie d'autrui", "financement d’une entreprise terroriste" et "violation d’un embargo sur le pétrole". Une décision historique et une première mondiale.

Condamné aux États-Unis

Cette affaire a également provoqué un scandale retentissant outre-Atlantique. À l'automne 2022, Lafarge a plaidé coupable et accepté de payer 778 millions de dollars d'amendes aux États-Unis pour avoir fourni un soutien matériel et financier à l'État Islamique et au Front al-Nosra dans le nord de la Syrie entre 2013 et 2014.

Un an plus tard, en décembre 2023, des citoyens américains membres de la communauté yazidie ont aussi déposé une plainte contre Lafarge. Ils estiment que le cimentier français "a aidé et encouragé les actes de terrorisme international" du groupe État islamique. La militante yézédite Nadia Murad, lauréate du prix Nobel de la Paix en 2018, fait partie des plaignants.

Avec AFP