logo

Téchnoféminisme : le numérique, un monde qui manque de diversité

Cette semaine, ActuElles consacre une édition spéciale aux relations entre les femmes et le monde numérique. "Sur internet, il n'y a pas de filles", peut-on lire comme consigne sur les forums en ligne. Cette "règle" est révélatrice du sexisme de ce qu'on a appelé "les nouvelles technologies" et que la journaliste Mathilde Saliou décrit dans son livre "Technoféminisme – Comment le numérique aggrave les inégalités" (Éditions Grasset, 2023). Elle y évoque notamment les violences en ligne et le cyberharcèlement, particulièrement violent à l’encontre des femmes.

À l'été 2021, les Taliban retrouvaient le pouvoir en Afghanistan, et restreignaient aussitôt les droits des femmes. Le collège, le lycée et l'université leur sont interdits. Alors qu’en 2021, 40 % de filles étaient scolarisées dans le pays, les interdictions émises par les islamistes les ont totalement privées d’enseignement secondaire. Quant aux étudiantes, passées de 5 000 dans les universités afghanes en 2001 à 100 000 en 2021, elles n’ont plus le droit de fréquenter les facultés depuis décembre 2022.

Mais les Afghanes résistent. Certaines suivent encore des cours dans des écoles clandestines. D’autres ont adopté une éducation toute numérique. Les réseaux sociaux, applications sur smartphones et internet leur permettent ainsi de suivre des cours à distance, au nez et à la barbe des Taliban. Pour ces femmes, le monde numérique est une libération. Pourtant, comme le reste de la société, ils n'échappent pas au sexisme, voire à une franche misogynie.

Dans "Technoféminisme – Comment le numérique aggrave les inégalités" (Éditions Grasset, 2023), la journaliste spécialisée dans le numérique Mathilde Saliou explore les dessous d'un monde fait par et pour des hommes. Elle explique comment des applications comme Siri peuvent aider à trouver facilement du Viagra, mais peine à renseigner sur l’interruption volontaire de grossesse et comment les applications de santé ne proposent pas d’option pour suivre le cycle menstruel. Par ailleurs, l'autrice dénonce la fâcheuse tendance des applications de reconnaissance faciale à mélanger les physiques de personnes issues des minorités ethniques, en particulier parmi la population d’origine africaine. Dans plusieurs pays, des arrestations d’innocents confondus avec des suspects ont montré les limites de ces logiciels. 

Les femmes, premières victimes du cyberharcèlement

Un autre problème largement constaté en ligne est celui du cyberharcèlement, particulièrement violent lorsqu’il vise les femmes. Les appels au viol contre des influenceuses, journalistes ou joueuses de jeux vidéo ne sont pas rares. Sans compter les deepfakes qui peuvent mettre en scène des femmes dont le visage détouré se retrouve collé sur des corps d’actrices de films pornographiques.

Bien souvent, ces violences en ligne sont le fait de groupes masculinistes ou d’incels – célibataires involontaires. Ils prônent la fin d’un supposé matriarcat et appellent au retour de la domination masculine dans une société dont ils se sentent exclus. Ils s’estiment méprisés par les femmes et distillent, pour beaucoup, des idéologies d’extrême-droite. La virulence et l’influence de ces groupes ont largement été démontrées lors du deuxième procès entre Johnny Depp et Amber Heard. Créant des mèmes et diffusant des extraits sortis de leur contexte, ils ont réussi à faire infuser l’idée que l’actrice américaine avait été reconnue coupable de 12 des 14 chefs d’accusation du procès, quand les tribunaux ont en réalité tranché exactement à l’inverse.