logo

Depuis le Texas, un juge fédéral suspend une pilule abortive aux États-Unis

L'autorisation de mise sur le marché d'une pilule abortive a été retirée vendredi aux États-Unis par un juge fédéral du Texas. Une décision qui ne s'appliquera pas avant une semaine, laissant le temps au gouvernement fédéral de faire appel.

Nouvelle victoire retentissante pour les opposants à l'avortement aux États-Unis. Un juge fédéral a retiré, vendredi 7 avril, l'autorisation de mise sur le marché d'une pilule abortive agréée depuis plus de 20 ans et utilisée chaque année par un demi-million d'Américaines.

Le président Joe Biden s'est dit déterminé à "combattre" cette décision, la qualifiant de tentative "sans précédent de priver les femmes de libertés fondamentales".

Dix mois après l'arrêt historique de la Cour suprême ayant rendu à chaque État américain la liberté d'interdire les interruptions de grossesse sur son sol, le magistrat Matthew Kacsmaryk, connu pour ses vues ultraconservatrices, a rendu, depuis le Texas, une décision censée s'appliquer à l'ensemble du pays.

Au même moment, un de ses confrères, situé dans l'État de Washington, a toutefois jugé que l'autorisation de mise sur le marché de la mifépristone (RU 486), qui s'utilise en combinaison avec un autre cachet, ne pouvait être retirée dans les 17 États démocrates qui l'avaient saisi.

Il reviendra donc rapidement à la très conservatrice Cour suprême des États-Unis, profondément remaniée par l'ex-président républicain Donald Trump, de clarifier la situation.

Le ministère de la Justice va faire appel

La décision du juge Kacsmaryk ne s'appliquera de toute façon pas avant une semaine, le magistrat ayant choisi de laisser le temps au gouvernement fédéral de faire appel. Ce qui ne devrait pas tarder.

"Le ministère de la Justice est en profond désaccord" avec la décision, "il fera appel (...) et demandera un sursis en attendant", a déclaré le ministre Merrick Garland dans un communiqué.

Dans son jugement de 67 pages, le juge Kacsmaryk valide la plupart des arguments figurant dans la plainte déposée en novembre par une coalition de médecins et d'organisations hostiles à l'avortement contre l'Agence américaine du médicament (FDA).

Comme eux, il reprend des études sur les risques imputés à la pilule abortive, bien qu'ils soient jugés négligeables par la majorité de la communauté scientifique. Il accuse également la FDA de ne pas avoir respecté ses procédures afin de répondre à un objectif politique.

Une "menace" pour "les droits des femmes dans tout le pays", selon Kamala Harris

"C'est du jamais-vu et profondément préjudiciable", a commenté la puissante organisation de planning familial Planned Parenthood, qui gère de nombreuses cliniques pratiquant des IVG dans le pays.

"Nous devrions tous être révoltés qu'un juge puisse unilatéralement rejeter les preuves médicales" pour contredire la FDA, a ajouté sa présidente Alexis McGill Johnson, soulignant que cette décision pourrait avoir des conséquences "bien au-delà de l'avortement".

La vice-présidente démocrate Kamala Harris a elle aussi fustigé "une décision sans précédent qui menace les droits des femmes dans tout le pays" et s'est inquiétée des conséquences pour d'autres médicaments de lutte contre le cancer ou le diabète.

Les élus démocrates du Congrès ont pour leur part concentré leurs critiques sur le juge Kacsmaryk : un "juge extrémiste" pour leur ancienne cheffe à la Chambre des représentants Nancy Pelosi, un "juge voyou" pour son successeur, Hakeem Jeffries.

Le misoprostol, une alternative

Vendredi, le groupe SBA Prolife America, opposant à l'avortement, a salué quant à lui "une victoire pour la santé et la sécurité des femmes et des filles".

Même si la justice suspendait in fine l'autorisation de la FDA, il faudrait sans doute plusieurs mois avant que sa décision ne s'applique. Selon des experts en droit de la santé, le régulateur du médicament doit respecter une procédure stricte avant de retirer l'autorisation d'un produit.

Les femmes et les médecins pourraient aussi se rabattre sur une autre pilule, le misoprostol, dont l'usage se combine aujourd'hui avec la mifépristone pour une plus grande efficacité et moins de douleurs.

"Nous ne laisserons pas cette décision injuste empêcher l'accès aux pilules abortives" qui, par "des routes alternatives", pourront "toujours arriver dans vos boîtes aux lettres", a d'ores et déjà fait savoir Elisa Wells, fondatrice du réseau Plan C d'information sur les pilules abortives.

Avec AFP