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Guerre en Ukraine : "La bataille de Kherson est un enjeu politique énorme pour Moscou"

Les troupes ukrainiennes poursuivent leur avancée vers Kherson, ville stratégique du sud du pays, contrôlée depuis huit mois par les forces de Moscou. De leur côté, les autorités pro-russes de Kherson ont procédé à des évacuations massives de civils et renforcé leurs troupes. France 24 analyse les enjeux de la bataille à venir.

Les Russes s’apprêtent à livrer "la plus intense des batailles", préviennent les Ukrainiens. Après une avancée éclair dans la région de Kharkiv en septembre, les forces de Kiev se dirigent désormais vers la ville de Kherson, afin de l’arracher à l’emprise russe. 

La mégalopole, qui comptait 280 000 habitants avant la guerre, est la seule capitale régionale conquise par les Russes depuis le début de la guerre, le 24 février 2022. Derrière cette bataille, se joue le contrôle de la région de Kherson, bastion stratégique pour la Russie, traversée par le principal axe vers la péninsule de Crimée. Un symbole d’autant plus important, depuis l’annexion de cette même région, le 30 septembre dernier, par la Russie. 

Avancée difficile

Les forces ukrainiennes ont pour objectif d’encercler la ville, située sur la rive ouest du fleuve Dniepr, prenant ainsi au piège les forces russes. Ils visent également les infrastructures qu’elles utilisent comme le pont Antonovsky, désormais inutilisable. Mais la contre-offensive s’avère plus difficile que dans le nord-est.

"C'est la saison des pluies et il est très difficile d'utiliser des véhicules de transport de troupes avec des roues", indiquait le ministre ukrainien de la Défense, mercredi lors d’une conférence de presse. Oleksii Reznikov a également affirmé que les Russes utilisaient les nombreux canaux d'irrigation de cette région agricole comme tranchées pour freiner l’avancée des troupes. 

"L’approche ukrainienne consiste à dégrader la logistique russe avant de lancer de grandes offensives. Cette stratégie a pour but d’isoler les forces adverses, mais également de préserver ses propres ressources et effectifs", indique Sim Tack, spécialiste en stratégie militaire pour la société américaine de conseil en sécurité Force Analysis. "On ignore quand les troupes ukrainiennes atteindront la ville de Kherson elle-même. Ce qui est sûr, c’est que les Russes s’y préparent activement." 

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Protéger les civils 

Ces derniers jours, les autorités pro-russes qui contrôlent la ville ont entrepris d’évacuer massivement les civils. Plus de 70 000 personnes auraient ainsi quitté la mégalopole en une semaine, a déclaré jeudi le chef de l'administration locale Vladimir Saldo. Alors que la Russie affirme vouloir protéger les citoyens, Kiev accuse Moscou d’organiser une "déportation massive" vers la Russie. 

"Les Russes ont essayé de semer la panique pour filmer les civils qui fuient apeurés. Ils jouent sur l’image afin de faire passer l’Ukraine pour l’agresseur", dénonce la journaliste ukrainienne Tetyana Ogarkova, du Crisis Media Center à Kiev.

"Du côté ukrainien, l’armée fait tout ce qu’elle peut pour forcer les Russes à battre en retraite sans en arriver au combat de rue. Car le but est d’épargner la vie des Ukrainiens et de récupérer une ville dans laquelle ils puissent revenir. Il faut à tout prix éviter un scénario à la Marioupol".

Résistance russe 

À Kherson, les autorités russes semblent bien décidées à résister aux forces ukrainiennes. Lundi, le gouvernement installé par Moscou dans la région a annoncé la création d'une milice locale, expliquant que tous les hommes restés dans la ville pouvaient s'y joindre. "À Kherson, la situation est claire. Les Russes rassemblent leurs forces", déclarait mardi le conseiller à la présidence ukrainienne Oleksiy Arestovitch dans une vidéo.

Outre les civils, des membres de l'administration régionale soutenue par la Russie ont également fui, a fait savoir jeudi le gouverneur adjoint de Kherson, Kirill Stremousov, tout en affirmant que l'armée russe ne partirait pas.

"Les troupes russes ne sont pas isolées dans la ville et tiennent toujours une poche défensive considérable autour de celle-ci", explique Sim Tack. 

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"Néanmoins, leur capacité d’approvisionnement et le renforcement de leurs positions au nord du fleuve sont limités. Dans ce contexte, elles ne peuvent mener des contre-attaques efficaces et la situation ne peut qu’évoluer à leur désavantage." 

Défaite inéluctable

Tetyana Ogarkova considère, elle aussi, que la défaite de la Russie à Kherson est inévitable. "Militairement, les forces russes ne sont pas en capacité de tenir. Mais la bataille de Kherson est un enjeu politique énorme pour Moscou. La perte de la ville représente un coût bien trop important pour Vladimir Poutine car elle pourrait menacer la stabilité de son régime." 

Le 30 septembre dernier, en annexant officiellement les quatre régions ukrainiennes de Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson, Vladimir Poutine avait prévenu que la Russie userait de toute sa "force" et de ses "moyens" pour les défendre. 

Depuis quelques jours, le maître du Kremlin accuse avec insistance les Ukrainiens de préparer une "bombe sale", constituée d'explosifs conventionnels, entourés de matériaux radioactifs. Une accusation rejetée par Kiev et ses soutiens, qui redoutent qu’elle serve de prétexte à Moscou pour une escalade du conflit.

"Poutine a affirmé que les régions annexées étaient désormais russes. Que se passe-t-il une fois que les Ukrainiens reprennent l’un de ces territoires ?", s’interroge Gauthier Rybinski, chroniqueur international à France 24. "Pour l’instant, Poutine n’a pas réactivé cet argument mais il faut le garder en tête car cela peut être un des leviers pour éventuellement se servir lui-même de cette fameuse bombe sale, qu’il accuse les Ukrainiens de préparer." 

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