Les saisons chaudes n'ont pas le monopole des sécheresses : avec le réchauffement climatique, les sécheresses d’hiver font leur apparition. Et elles causent autant de dégâts, voire plus, qu’en été. Mais comment la science peut-elle permettre aux agriculteurs de résister à ce fléau ?
Les vignes en danger ?
À Vauvert, dans le Gard, le viticulteur Franck Renouard doit faire face à cette "sécheresse hivernale". En effet, sur son exploitation, l’hiver 2022 a été marqué par des précipitations particulièrement faibles. "Il n’a pas plu pendant quasiment un mois et demi", se désole-t-il. Or, les précipitations hivernales sont indispensables pour les cultures puisqu'elles permettent d’alimenter les nappes phréatiques et de constituer une "réserve utile" d’eau avant les grandes chaleurs de l’été. "On a très peu d’eau le printemps et l’été, et maintenant on commence à ne plus avoir d’eau l’hiver, ça devient un problème insoluble", explique le viticulteur.
Face à ce climat extrême, quelles mesures employer ? Franck se refuse à irriguer son exploitation, ce qui nécessiterait une consommation d’eau très importante, de l’ordre de "600 000 litres par hectare", soit "six millions de litres" pour son exploitation de 10 hectares. Le vigneron envisage de se tourner vers des cépages plus résistants, sans être sûr que cela suffira. Sa conclusion est claire : "À moyen terme, nos vignes sont en danger".
Se préparer au réchauffement climatique grâce à la science
À Lusignan (Nouvelle-Aquitaine), le centre de recherche de l’INRAE a mis au point un simulateur de climat extrême. Ce dispositif permet de couper aux plantes l’accès aux précipitations en les plaçant sous une serre mobile montée sur des rails. Beaucoup de soleil et peu de pluie, cela ressemble fortement au climat du futur… L’idée du généticien Marc Ghesquière est d’étudier la réaction des plantes et leur comportement face aux sécheresses. Dans son laboratoire, lui et ses chercheurs sélectionnent les gènes qui résistent le mieux au stress hydrique, afin de préparer les cultures aux canicules de demain.
Et quand l’anticipation ne suffit pas, un petit coup de boost est parfois nécessaire. Chez Elicit Plant, Aymeric Molin et ses équipes ont mis au point un produit à base de phytostérols. "Les phytostérols chez la plante sont responsables de l’adaptation de la physiologie des plantes à des conditions de vie différentes, notamment le stress hydrique", explique cet agriculteur dont la ferme est très exposée aux sécheresses.
Il s’agit d’augmenter la résistance des végétaux au stress hydrique et de limiter ainsi leur consommation d’eau, en fermant les stomates – l’équivalent des pores de la peau chez les êtres humains – des plantes. L’effet est très rapide, Elicit Plant promettant un résultat au bout de 48 heures et une amélioration des rendements agricoles de l’ordre de 10 %. "J’ai eu la chance de pouvoir développer quelque chose qui va améliorer l’agriculture, j’en suis absolument convaincu", se réjouit Aymeric Molin.
L’agroforesterie, des arbres pour vaincre la sécheresse ?
Mais au-delà de la science et de la technologie, la solution à la sécheresse se trouve peut-être dans la nature elle-même. Retour à Vauvert, où l’association Agroof plante des arbres sur la parcelle du viticulteur Franck Renouard. C’est ce qu’on appelle l'agroforesterie, qui consiste à planter des arbres sur ou autour des cultures. Ceux-ci vont permettre de faire baisser les températures au sol en faisant de l’ombre aux plantes et en les protégeant des vents secs. L’agroforesterie peut ainsi constituer une alternative écologique et naturelle à l’irrigation des cultures. Franck Renouard est séduit, et a fait appel à Agroof pour planter des arbres tout autour de ses vignes. "Ces arbres, c’est un pari sur l’avenir, je ne veux pas baisser les bras", déclare-t-il, espérant préserver son "oasis" du réchauffement climatique.