Une explosion de camions-citernes transportant du carburant a fait trois morts et six blessés lundi à Abu Dhabi, capitale des Émirats arabes unis. L'attaque, condamnée par l'ONU et Paris, a été revendiquée lundi soir par les rebelles yéménites houthis.
Une explosion de camions-citernes a fait trois morts, lundi 17 janvier à Abu Dhabi, a indiqué la police de la capitale émiratie. L'attaque a été revendiquée par les rebelles yéménites houthis qui, plus tôt, avaient annoncé une "opération militaire d'envergure" aux Émirats arabes unis.
"Les forces armées (des Houthis) ont mené une opération militaire qualitative et réussie dans le cadre d'une opération baptisée Ouragan du Yémen", a affirmé leur porte-parole, Yahya Saree, dans un communiqué diffusé sur leur chaîne, Al-Massira. "Nombre de sites et installations émiraties importantes et sensibles" ont été ciblés à l'aide de missiles balistiques et de drones, d'après lui.
En riposte à l'attaque, la première à faire des morts sur le sol émirati, la coalition menée par l'Arabie saoudite a effectué des raids aériens sur Sanaa, la capitale yéménite aux mains des Houthis, selon l'agence officielle de presse saoudienne.
L'explosion des trois camions-citernes a eu lieu "près des réservoirs de stockage d'ADNOC", la compagnie pétrolière d'Abu Dhabi, et a entraîné la mort d'un Pakistanais et de deux Indiens, selon l'agence officielle WAM qui fait également état de "six blessés légers à modérés".
Un "incendie mineur" s'est par ailleurs produit dans "la nouvelle zone de construction de l'aéroport international d'Abu Dhabi", les autorités n'ayant pas fait état de victime.
Dans le même temps, les rebelles houthis du Yémen ont indiqué qu'ils allaient faire une "annonce importante" dans les prochaines heures au sujet d'une "opération militaire d'envergure aux Émirats arabes unis", selon un tweet de leur porte-parole militaire, Yahya Saree.
"Les forces du mal de la milice terroriste des Houthis"
L'explosion et l'incendie ont "probablement" été causés par des "drones", des "objets volants" étant "tombés" sur les lieux touchés, a précisé l'agence WAM, citant la police d'Abu Dhabi, qui a lancé une "vaste enquête".
Avant la revendication, les autorités avaient accusé les rebelles yéménites – tout comme l'Arabie saoudite et Bahreïn, qui ont dénoncé un acte "terroriste".
"Les forces du mal de la milice terroriste des Houthis sont à l'origine" des incidents aux Émirats, a notamment déclaré le ministère saoudien des Affaires étrangères dans un communiqué.
Les Émirats sont membres de la coalition militaire dirigée par l'Arabie saoudite et qui intervient au Yémen depuis 2015 pour soutenir les forces gouvernementales contre les Houthis, des insurgés soutenus par l'Iran.
Après avoir pris leurs distances, ils sont récemment revenus sur le terrain au Yémen en appuyant notamment la brigade des "Géants" qui a "libéré" des territoires pris par les rebelles.
Le conflit au Yémen s'est intensifié ces dernières semaines avec une augmentation des raids de la coalition et des offensives au sol des forces qu'elle soutient.
De leur côté, les rebelles ont multiplié les attaques de missiles et de drones contre le territoire saoudien.
Condamnations internationales
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, "condamne" les attaques contre l'aéroport international d'Abu Dhabi et la zone industrielle proche, "revendiquées par les Houthis", et appelle "toutes les parties à observer un maximum de retenue", a déclaré son porte-parole.
Le chef de l'ONU leur demande "d'empêcher toute escalade dans un contexte de tensions accrues dans la région", a ajouté Stéphane Dujarric, rappelant que "les attaques contre des civils ou des infrastructures civiles étaient interdites par le droit humanitaire international".
"Il n'y a pas de solution militaire au conflit au Yémen", estime Antonio Guterres, qui exhorte "les parties à s'engager de manière constructive et sans conditions préalables" avec son émissaire "dans le but de faire avancer le processus politique pour parvenir à un règlement négocié globalement pour mettre fin au conflit au Yémen", a précisé le porte-parole.
De son côté, la France a condamné "avec la plus grande fermeté" les attaques revendiquées par les rebelles yéménites. Dans un communiqué, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a réitéré son appel aux Houthis à "mettre immédiatement un terme à leurs actions déstabilisatrices au Yémen et dans la région et à s'engager de façon constructive dans un processus politique de sortie de crise" dans ce pays.
"La France réaffirme sa mobilisation en faveur d'une cessation des hostilités dans tout le pays et d'une relance des discussions en vue d'un accord politique global sous l'égide des Nations unies", a-t-il ajouté.
Washington a promis pour sa part de "faire rendre des comptes" aux rebelles yéménites. "Les États-Unis condamnent fermement l'attaque terroriste d'aujourd'hui à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, qui a tué trois civils innocents", a déclaré le conseiller de la Maison Blanche pour la sécurité nationale, Jake Sullivan. "Les Houthis ont revendiqué l'attaque, et nous allons travailler avec les Émirats arabes unis et nos partenaires internationaux pour leur faire rendre des comptes", a-t-il ajouté dans un communiqué.
"Notre engagement en faveur de la sécurité des Émirats arabes unis est inébranlable et nous sommes aux côtés de nos partenaires émiratis contre toutes les menaces visant leur territoire", a-t-il assuré.
Israël, qui a normalisé ses relations avec les Émirats en 2020, a également condamné l'attaque, appelant la communauté internationale "à agir pour empêcher l'Iran et ses alliés de saper la sécurité régionale".
La ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss, a "condamné" à son tour les attaques. "Je condamne dans les termes les plus vigoureux les attaques terroristes revendiquées par les Houthis contre les Émirats arabes unis", a-t-elle tweeté.
"Drones lancés de Sanaa"
Se présentant comme un havre de paix dans la région troublée du Moyen-Orient, les Émirats n'avaient jamais été victimes d'une attaque connue des Houthis.
La coalition a indiqué lundi avoir relevé une recrudescence de "drones piégés lancés par les Houthis depuis l'aéroport international de Sanaa", selon l'agence de presse officielle saoudienne SPA.
Depuis qu'ils ont pris la capitale Sanaa en 2014, les rebelles ont réussi à s'emparer de vastes pans du territoire yéménite, en particulier dans le Nord. L'intervention des Émirats s'était jusqu'à récemment concentrée dans le sud du Yémen.
Le 3 janvier, les rebelles avaient saisi le bateau "Rwabee" battant pavillon des Émirats, au large du port de Hodeida dans l'ouest du Yémen, assurant qu'il transportait du matériel militaire. Abu Dhabi, qui assure que le bateau transportait du matériel pour un hôpital yéménite, a dénoncé une "dangereuse escalade" en mer Rouge.
Cette acte de "piraterie", selon la coalition, s'est produit au moment où la brigade des "Géants" affrontait les rebelles dans la région de Chabwa. La semaine dernière, ces forces loyalistes avaient permis au gouvernement de reprendre cette province pétrolifère après d'âpres combats contre les Houthis.
L'Iran, qui entretient des relations difficiles avec les Émirats, est le seul pays à soutenir ouvertement les rebelles tout en niant leur fournir des armes, ce dont l'accusent l'Arabie saoudite et les États-Unis.
Avec AFP