De violentes émeutes ont éclaté, mercredi, à Bogota et dans d'autres régions de Colombie, après la mort d'un homme qui avait reçu des décharges électriques répétées administrées par des policiers qui l'immobilisaient au sol. Cinq personnes sont mortes dans la capitale.
Après les États-Unis, la Colombie. La capitale, Bogota, et la localité voisine de Soacha ont été le théâtre de violentes émeutes, mercredi 9 septembre, après la mort d'un homme victime d'une bavure policière. Cinq personnes ont trouvé la mort et une récompense a été offerte par le ministre colombien de la Défense, Carlos Holmes Trujillo, afin de permettre "l'arrestation des auteurs de l'homicide".
À l'origine de ces émeutes, l'arrestation d'un homme par des policiers. La scène filmée et diffusée sur les réseaux sociaux montrent des témoins suppliant les policiers d'arrêter d'administrer les décharges. Des images qui ont choqué le pays.
"S'il vous plaît, arrêtez"
La séquence de près de deux minutes montre deux motards de la police colombienne, tous deux casqués, mettre au sol un avocat de 46 ans, Javier Ordoñez, puis lui administrer à plusieurs reprises de longues décharges avec leurs pistolets à impulsions électriques.
"S'il vous plaît, arrêtez", entend-on répéter à plusieurs reprises l'homme au sol. Les témoins de la scène interpellaient également les policiers: "Arrêtez s'il vous plaît, on vous filme" avec un téléphone portable.
Cette bavure policière rappelle celle durant laquelle l'Afro-Américain, George Floyd, a été asphyxié à mort par un policier blanc qui a ignoré ses appels, en l'immobilisant lors de son arrestation. Après sa mort, des manifestations de protestation, parfois très violentes, ont été organisées à travers les États-Unis.
"Abus policier"
Selon le chef de la police de Bogota, le colonel Necton Borja, les agents répondaient à du désordre causé par des "personnes alcoolisées" et Javier Ordoñez a essayé "de frapper les policiers" avant d'être plaqué au sol.
Le colonel a estimé que la victime "a été soumise à une arme non létale" avant d'être transportée au poste de police où elle a présenté des "complications médicales". Transporté à l'hôpital, Javier Ordoñez, père de deux enfants, est décédé quelque temps plus tard.
La maire de Bogota, Claudia Lopez, a estimé qu'il s'agit d'un "abus policier". Sur Twitter, elle a demandé "une peine exemplaire" contre les policiers et appelé à "une restructuration profonde et sérieuse au sein des forces de police".
Le ministre de la Défense, Carlos Holmes Trujillo, a déclaré à la presse que "les deux agents font déjà l'objet d'une enquête disciplinaire et pénale".
Émeutes contre des commissariats de police
Dans l'après-midi, des centaines de personnes s'étaient rassemblées pour protester devant le poste de police, où la victime a été emmenée avant de mourir. Les manifestants ont aspergé de peinture rouge la façade de l'immeuble et lancé des pierres en scandant "résistance", a rapporté un journaliste de l'AFP. La police a tenté de disperser la foule avec des grenades assourdissantes et des gaz lacrymogènes, mais les protestations se sont étendues à d'autres quartiers de Bogota.
Les médias locaux ont fait état d'émeutes, d'incendies et d'attaques contre une douzaine de commissariats de police dans le nord et l'ouest de la capitale. Des émeutes se sont également produites à Medellín (nord-ouest), Cali (sud-ouest) et Neiva (centre).
Le président Iván Duque a également déploré "les abus (...) commis par des membres de la force publique". "Nous avons vu des événements douloureux aujourd'hui", a dit le chef de l'État, demandant que des "sanctions appropriées soient adoptées". La police colombienne a par le passé été impliquée dans plusieurs scandales d'abus de force.
En novembre 2019, Dilan Cruz, un jeune homme de 18 ans qui participait à une manifestation antigouvernementale, avait été mortellement blessé à la tête par un sachet de billes de plomb tiré par un agent des forces spéciales. En août 2011, un artiste de rue, Diego Becerra, a été abattu alors qu'il peignait des graffitis à Bogota.
L'ONU avait alerté, fin février, sur les homicides et autres abus présumés commis par des militaires et des policiers en Colombie.
Alberto Brunori, représentant en Colombie de la Haute-Commissaire de l'ONU pour les droits de l'Homme, avait relevé que dans 13 cas de décès impliquant des agents de l'État, "il a été observé" un usage "inutile et/ou disproportionné de la force".
Avec AFP