logo

En Bolivie, la sénatrice Jeanine Añez se proclame présidente par intérim

La deuxième vice-présidente du Sénat, Jeanine Añez, s'est proclamée mardi présidente par intérim de la Bolivie. Depuis le Mexique où il s'est réfugié, Evo Morales a dénoncé un "coup d'État".

Deuxième vice-présidente du Sénat, Jeanine Añez s'est proclamée présidente par intérim de la Bolivie mardi 12 novembre, malgré l'absence de quorum au Parlement. La sénatrice a argué de "la nécessité de créer un climat de paix sociale" dans le pays secoué par une grave crise politique depuis l'élection présidentielle fin octobre.

Depuis le Mexique où il s'est exilé, l'ancien président Evo Morales a rapidement réagi, estimant que "le coup d'État le plus astucieux et le plus odieux de l'histoire [avait] eu lieu".

À Mexico, où il est arrivé dans l'après-midi en avion militaire après un périple rocambolesque de seize heures au gré des ordres et contrordres des pays latino-américains survolés, Evo Morales a promis de poursuivre "la lutte", affirmant qu'il ne cesserait pas de "faire de la politique".

Après trois semaines de violente contestation contre sa réélection à un quatrième mandat fin octobre, l'ex-président bolivien avait annoncé sa démission dimanche, lâché par l'armée. Il était le plus ancien dirigeant en exercice d'Amérique latine, au pouvoir depuis 2006.

"Ça me fait mal d'abandonner le pays"

"Frères et sœurs, je pars pour le Mexique", avait twitté lundi le dirigeant socialiste. "Ça me fait mal d'abandonner le pays pour des raisons politiques, mais (...) je reviendrai bientôt avec plus de force et d'énergie", a-t-il promis.

Le Mexique a envoyé un avion militaire pour faire sortir Evo Morales de Bolivie. Celui qui a longtemps incarné un symbole d'émancipation pour les populations indigènes d'un pays réputé instable, qu'il a dirigé durant près de 14 ans, vit désormais en exil.

Lorsqu'il a accédé au pouvoir en 2006, Evo Morales était le premier chef d'État indigène du pays. À tout juste 60 ans, il était un des derniers représentants de la "vague rose" qui a déferlé au tournant des années 2000 sur la région.

Depuis, la gauche a été défaite au Brésil, au Chili et en Équateur, alors qu'elle vient de revenir au pouvoir en Argentine. Quant au Venezuela, pays avec lequel le président bolivien entretenait d'étroites relations, il traverse la pire crise politique et économique de son histoire récente. Evo Morales était également fermement soutenu par Cuba, elle aussi engluée dans une grave crise économique. "La Bolivie est différente, nous allons bien", répétait ce fan de football comme un mantra, repris en chœur par ses partisans du Mouvement vers le socialisme (MAS).

L’ancien berger devenu président

Cet ancien berger de lamas, né le 26 octobre 1959 dans un village miséreux de la région d'Oruro (centre), pouvait se targuer de nombreux succès économiques : maintien d'une croissance élevée, forte réduction de la pauvreté, niveau record de réserves en devises. Le pays a aussi multiplié les accords d'investissement internationaux pour l'exploitation du gaz naturel et surtout du lithium, dont il espère devenir le quatrième producteur mondial d'ici 2021.

"Ces dernières années, l'économie bolivienne était au beau fixe sous Evo Morales", expliquait récemment Michael Shifter, président du groupe de réflexion Dialogue interaméricain à Washington. "Mais avec la chute des cours des matières premières, le gouvernement a été obligé d'emprunter davantage et puiser dans les réserves. Le modèle économique bolivien (basé sur l'exploitation des matières premières), qui a fonctionné durant des années, n'est plus tenable."

"La Bolivie, ma vie"

Ses adversaires dénonçaient le caractère têtu de l'ancien leader syndical des producteurs de coca, qui l'empêche de reconnaître ses erreurs. Ses détracteurs l'accusaient d'avoir instauré un gouvernement antidémocratique et abandonné les valeurs qu'il a longtemps symbolisées, notamment la défense de l'environnement et des indigènes, faisant pâlir son étoile.

Réélu en 2009, Evo Morales avait remporté en 2014 un troisième mandat grâce à une interprétation contestée de la Constitution, qui ne permettait pourtant que deux mandats consécutifs. La Cour constitutionnelle avait alors estimé qu'il s'agissait de sa première réélection, la Constitution ayant été modifiée en 2009.

Une partie des Boliviens ne lui pardonnent pas d'avoir brigué un quatrième mandat, alors que les électeurs s'étaient prononcés contre à l'occasion d'un référendum en 2016. Il est passé outre, grâce à une nouvelle décision très contestée de la Cour constitutionnelle. "Je ne veux pas (continuer), mais je ne peux pas décevoir mon peuple", s'était-il justifié.

Avec AFP