
Avec seulement 822 000 signatures enregistrées, selon les derniers chiffres publiés mercredi par le Conseil constitutionnel, la campagne pour le référendum d’initiative partagée sur la privatisation d’Aéroports de Paris a du plomb dans l’aile.
L’enthousiasme n’a pas encore totalement laissé place à la résignation, mais clairement, les initiateurs du référendum d’initiative partagée (RIP) sur la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP) ont perdu le sourire qu’ils affichaient au printemps.
Après un démarrage en trombe, les derniers pointages effectués par le Conseil constitutionnel montrent en effet un sérieux fléchissement du nombre de signatures recueillies (voir courbes ci-dessous). Alors que 4 717 396 soutiens sont nécessaires pour obtenir l’organisation du référendum, il n’y a eu, au 25 septembre, que 822 000 signatures officiellement enregistrées, soit à peine plus de 17 % du total. L’opération semble d’ores et déjà compromise car on voit mal comment il sera possible de récolter près de 4 millions de nouveaux soutiens d’ici au 12 mars.
"Ça paraît effectivement compliqué. Il faudrait quand même qu’on parvienne à franchir la barre du million car c’est un chiffre symbolique", juge le député Les Républicains Aurélien Pradié, contacté par France 24.
Quelque 250 députés et sénateurs (de LFI à LR, avec le soutien du RN) avaient enclenché début avril cette procédure de référendum d’initiative partagée, introduite dans la Constitution en 2008 mais jamais utilisée jusqu'à présent.
Certains parmi les initiateurs du RIP, comme Fabien Roussel du Parti communiste, espèrent que franchir la barre du million de signatures permettra de convaincre Emmanuel Macron d’organiser le référendum. Lors de son discours du 24 avril à l’issue du grand débat national, le président avait en effet exprimé sa volonté d’abaisser le seuil du RIP à un million de soutiens. Mais la plupart des promoteurs du référendum ne se font pas d’illusion et ne voient pas pourquoi le chef de l’État ferait un geste alors même qu’aucune publicité n’a été faite par le gouvernement sur la campagne de collecte en cours.
"Le gouvernement ne fait aucun effort de communication sur le sujet, déplore ainsi Aurélien Pradié. La campagne et le RIP en lui-même sont totalement ignorés des Français alors qu’on est sur une pratique démocratique nouvelle qui nécessiterait de faire de la pédagogie. Ça m’inquiète car ça pourrait enterrer le RIP dans les années futures."
"Créer un précédent qui fera jurisprudence"
Pour tenter de faire bouger les choses, une vingtaine de personnalités, dont l’ancien président du Sénat Jean-Pierre Bel, l’ancien ministre du Budget Christian Sautter, la sociologue Dominique Méda et le président d’Anticor Jean-Christophe Picard ont déposé le 6 septembre une réclamation au Conseil constitutionnel demandant qu’une réelle communication officielle soit mise en place.
"Comparée au marathon macronien du grand débat, surmédiatisé pendant des semaines, la pétition pour un référendum sur la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP), à l’initiative de l’opposition, reste invisible", peut-on lire dans la réclamation. "L’incrédulité devient inquiétude lorsque l’on constate que le gouvernement ne prévoit aucun investissement ou aucune information officielle permettant d’assurer la force du débat et la vivacité démocratique", est-il également écrit.
#ADP : dépôt d’une réclamation au @Conseil_constit pour « briser le silence » autour du #RIP https://t.co/7jSfFRatfm pic.twitter.com/pIZNSIhhub
Anticor (@anticor_org) 10 septembre 2019Concrètement, les signataires demandent l’envoi d’un courrier informant de l’existence du RIP aux citoyens inscrits sur les listes électorales, la diffusion hebdomadaire de reportages sur les chaînes et radios publiques et l’organisation de débats télévisés.
"C’est la première procédure du RIP de notre histoire donc il faut créer un précédent qui fera jurisprudence pour les suivantes, estime le président d’Anticor, Jean-Christophe Picard, contacté par France 24. Le RIP est inscrit dans notre Constitution, c’est quelque chose de sérieux, mais les règles pour la campagne n’ont pas été prévues. Or, sans débat, sans circulaire envoyée aux citoyens, c’est très compliqué de sensibiliser la population, surtout lorsqu’il s’agit d’un dossier un peu technique comme la privatisation d’ADP."
Le Conseil constitutionnel n’a pas encore répondu à cette réclamation. Et du côté du gouvernement, on estime tout à fait légitime de ne pas médiatiser le RIP. "S’il y a des organisations politiques, des associations qui veulent faire la promotion de ce référendum, c’est à elles de le faire et c’est à elles de dégager des moyens pour en faire la promotion", a estimé la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, le 5 septembre, sur France Inter.
Sur le terrain, chaque parti impliqué a toutefois tenté de récolter le maximum de signatures tout au long de l’été et lors des différents événements de la rentrée politique. Des stands étaient notamment installés à la Fête de l’Humanité, entre les 13 et 15 septembre, à La Courneuve. Vendredi, Aurélien Pradié organise de son côté un meeting consacré au sujet à Cahors en compagnie de son collègue LR Gilles Carrez. Mais les difficultés pour faire vivre ce RIP tiennent aussi parfois aux querelles politiciennes : un grand meeting commun qui devait avoir lieu le 26 septembre à Toulouse a finalement été annulé, faute d’accord entre tous les députés.