En réponse à l’afflux de clandestins sur le sol américain en provenance du Mexique, Donald Trump a annoncé jeudi la mise en place de droits de douane sur tous les produits mexicains dès le 10 juin. Une décision "désastreuse" selon Mexico.
Donald Trump a choisi une de ses armes favorites pour mettre la pression sur son voisin mexicain. Jeudi 30 mai, le président des États-Unis a décidé d’imposer, dès le 10 juin, des droits de douane sur tous les produits du Mexique, qu’il accuse de laxisme sur le dossier de l’immigration clandestine.
Il a en effet indiqué que les États-Unis mettraient en place "des tarifs douaniers de 5 % sur tous les biens en provenance du Mexique" et que ces droits de douane allaient "progressivement augmenter tant que le problème de l'immigration clandestine n'est pas résolu".
"Le Mexique pourrait facilement résoudre ce problème. Il est temps de faire ce qu'il faut", a appelé le président américain dans un tweet.
Mexico has taken advantage of the United States for decades. Because of the Dems, our Immigration Laws are BAD. Mexico makes a FORTUNE from the U.S., have for decades, they can easily fix this problem. Time for them to finally do what must be done!
Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 31 mai 2019Mexico appelle au dialogue
Ces droits de douane, fixés dans un premier temps à 5 %, pourraient passer à 10 % au 1er juillet et grimper ensuite de 5 points de pourcentage chaque mois jusqu'à la limite de 25 % en octobre si le Mexique "n'arrête pas considérablement le flux d'étrangers illégaux passant par son territoire", a précisé le président américain dans un communiqué publié par la Maison Blanche, dans lequel il ajoute que les États-Unis se réservent le droit de retirer ces tarifs à "[leur] seule discrétion".
Cette décision, qualifiée de "désastreuse" par le Mexique, constitue une "menace" qui, mise en place, "serait très grave" selon Jesus Seade, responsable du ministère des Affaires étrangères en charge de l’Amérique du Nord, et négociateur commercial mexicain. "Si cela devait arriver, nous devrions réagir énergiquement", a-t-il déclaré à la presse.
Le président mexicain, Andres Manuel Lopez Obrador a, quant à lui, invité son homologue au dialogue. "Je vous informe que je ne veux pas la confrontation", a-t-il écrit dans une lettre adressée au président américain, "je propose d'approfondir le dialogue, de rechercher des alternatives au problème de l'immigration".
Andre Manuel Lopez Obrador a indiqué avoir envoyé une délégation à Washington pour expliquer et défendre son plan d'action pour freiner l'immigration en provenance d'Amérique centrale. "Nous ne sommes pas restés les bras croisés", estime le président mexicain.
Plus tôt, jeudi, Donald Trump avait déclaré vouloir faire "une annonce majeure sur la frontière" entre les États-Unis et le Mexique dans la journée, ou vendredi, précisant qu'il n'en ordonnerait pas la fermeture, comme il l'avait menacé à plusieurs reprises ces derniers mois.
"Nous allons faire quelque chose de vraiment spectaculaire sur la frontière", avait-il déclaré devant des journalistes.
L’administration Trump divisée
Cette décision ne ferait pas l’unanimité au sein de son administration, selon le Washington Post. Certains responsables sont en effet opposés à l'imposition de ces droits de douane – une des armes préférées du président américain – sur les produits mexicains, craignant que cette décision n'enraye le processus de ratification du nouvel accord de libre-échange entre les États-Unis, le Mexique et le Canada (AEUMC). Un processus lancé, paradoxalement, le même jour par le gouvernement américain.
Mick Mulvaney, chef de cabinet de la Maison Blanche a toutefois tenté de séparer les deux dossiers. "Ce ne sont pas des tarifs douaniers dans le cadre du conflit commercial", a-t-il déclaré lors d’une conférence téléphonique, "ce sont des tarifs douaniers dans le cadre du problème d'immigration".
Un millier de clandestins arrêtés
Le président américain avait préparé le terrain. Quelques heures auparavant, Donald Trump avait annoncé qu'un groupe record de plus d'un millier de clandestins avait été interpellé après avoir franchi la frontière séparant le Mexique des Étas-Unis, au niveau d'El Paso (Texas).
"Les démocrates doivent défendre notre incroyable police aux frontières et enfin colmater les brèches à notre frontière !", avait-il déclaré sur Twitter, accompagnant son message d'une vidéo nocturne de plus de deux minutes dans laquelle des dizaines de silhouettes franchissent, apparemment facilement, une barrière.
Yesterday, Border Patrol agents apprehended the largest group of illegal aliens ever: 1,036 people who illegally crossed the border in El Paso around 4am. Democrats need to stand by our incredible Border Patrol and finally fix the loopholes at our Border! pic.twitter.com/6K1rIUzorM
Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 30 mai 2019Ce groupe était composé en majorité de familles (934 personnes) et de mineurs non accompagnés (63), selon la police aux frontières (CBP), qui a publié des images montrant des dizaines de personnes debout devant une barrière en métal, surveillées par des agents. Arrestation "du plus grand groupe jamais découvert par les agents de la police aux frontières", selon les déclarations de Robert E. Perez, numéro deux de la CBP, démontrant selon lui "la gravité de la crise humanitaire et de la sécurité aux frontières" dans le Sud américain.
Le responsable de la police aux frontières ajoute, dans le communiqué, que "tous les membres du groupe" venaient du Guatemala, du Honduras ou du Salvador", les trois pays d'où proviennent la majorité des migrants qui se rendent aux États-Unis via le Mexique.
Bras de fer avec les démocrates
Au cours de sa campagne, en 2016, Donald Trump avait fait de la construction d'un mur à la frontière avec le Mexique l'une de ses principales promesses.
Aujourd’hui président, il accuse sans relâche l'opposition démocrate, qui contrôle depuis janvier l'une des deux chambres du Congrès, de bloquer toute initiative sur la frontière.
En décembre 2018 et janvier 2019, le bras de fer avec les démocrates autour du financement de ce mur avait plongé les États-Unis dans la plus longue impasse budgétaire, ou "shutdown".
Face au refus du Congrès de lui accorder l'enveloppe budgétaire nécessaire à la construction de ce mur, le président avait déclaré une situation d'urgence nationale à la frontière et avait demandé à la Défense de réaffecter des milliards de dollars à sa construction.
Les autorités américaines, débordées par l'afflux de clandestins à la frontière mexicaine, n'ont plus les moyens de tous les maintenir en détention. Elles ont donc récemment officiellement décidé de relâcher "les familles" dont aucun membre n'a de casier judiciaire, en attendant qu'un tribunal examine leur cas.
Avec AFP