
Le cardinal Barbarin, condamné jeudi à six mois de prison avec sursis pour la non-dénonciation des agressions pédophiles d'un prêtre de son diocèse, a annoncé qu'il allait remettre sa démission au pape "dans les prochains jours".
Le cardinal Philippe Barbarin a été condamné jeudi 7 mars par le tribunal correctionnel de Lyon à six mois de prison avec sursis pour la non-dénonciation des abus sexuels d'un prêtre de son diocèse. Le parquet n'avait requis aucune condamnation contre le cardinal.
En l'absence du primat des Gaules, la présidente du tribunal Brigitte Vernay l'a "déclaré coupable de non-dénonciation de mauvais traitements" envers un mineur entre 2014 et 2015. Mgr Philippe Barbarin et cinq anciens membres du diocèse étaient jugés pour non-dénonciation d'agressions sexuelles, et deux d'entre eux pour "omission de porter secours". Le tribunal a considéré, s'agissant des cinq autres prévenus, que les faits étaient, selon les cas, soit pas constitués soit prescrits et n'a donc pas prononcé de condamnation à leur encontre.
La démission du cardinal Barbarin, une décision qui "arrive trop tard"
Après avoir "pris acte" de sa condamnation, le cardinal a annoncé jeudi qu'il allait remettre sa démission au Pape "dans les prochains jours". "J'ai décidé d'aller voir le Saint Père pour lui remettre ma démission. Il me recevra dans quelques jours", a-t-il indiqué devant la presse. "Indépendamment de mon sort personnel, je tiens à redire toute ma compassion pour les victimes", a-t-il ajouté.
"Il était temps. Fallait-il aller aussi loin pour prendre une telle décision ?", a ironisé l'un des plaigants, François Devaux, le cofondateur de l'association de victimes La Parole libérée interrogé par l'AFP. "Ca arrive trop tard pour l'Eglise. Nous, on a pas bougé : ça fait quatre ans qu'on dit la même chose et que personne ne voulait entendre. La décision aurait dû être prise depuis très longtemps. C'est le Pape qui aurait dû prendre cette décision", estime-t-il.
Le jugement, dont l'AFP a obtenu une copie, est très sévère à son : "alors même que ses fonctions lui donnaient accès à toutes les informations et qu'il avait la capacité de les analyser et les communiquer utilement, Philippe Barbarin a fait le choix en conscience, pour préserver l'institution à laquelle il appartient, de ne pas les transmettre à la justice".
"En voulant éviter le scandale, causé par les faits d'abus sexuels multiples commis par un prêtre, mais sans doute aussi par la mise à jour de décisions bien peu adéquates prises par les évêques qui le précédaient, Philippe Barbarin a préféré prendre le risque d'empêcher la découverte de très nombreuses victimes d'abus sexuels par la justice, et d'interdire l'expression de leur douleur", poursuit le jugement.
Les avocats du cardinal ont immédiatement annoncé leur intention de faire appel du verdict. "La motivation du tribunal ne me convainc pas. Nous allons donc contester cette décision par toutes les voies de droit utiles", a indiqué Jean-Félix Luciani, en relevant qu'il "était difficile pour le tribunal de résister à une telle pression avec des documentaires, un film... Ça pose de vraies questions sur le respect de la Justice", a relevé l'avocat.
"La responsabilité et la culpabilité du cardinal ont été consacrés par ce jugement"
La condamnation du cardinal est "une grande victoire pour la protection de l'enfance", a estimé jeudi Francois Devaux. "Cette victoire envoie un signal très fort à beaucoup de victimes et leur permet de comprendre qu'elles sont entendues, écoutées et reconnues", a ajouté le cofondateur de l'association de victimes La Parole libérée, soulignant qu'il s'agissait de "l'aboutissement d'un long parcours pour qu'émerge une prise de conscience".
Pour Yves Sauvayre, l'un des avocats des parties civiles, "le souffle donné dans cette audience a eu des conséquences". "La responsabilité et la culpabilité du cardinal ont été consacrés par ce jugement. C'est un symbole extraordinaire. Une grande émotion historique", a-t-il relevé.
Le scandale lyonnais a éclaté en 2015 avec la mise en cause du père Bernard Preynat pour des abus commis un quart de siècle plus tôt sur de jeunes scouts. Estimant que parce qu'il était au courant de ces agissements anciens, Mgr Barbarin aurait dû lui-même dénoncer le prêtre à la justice. Des victimes ont aussi porté plainte contre le prêtre, qui a été mis en examen en février 2016 pour agressions sexuelles sur mineurs. Il pourrait être jugé en cette fin d'année.
En 2016, le parquet avait renoncé aux poursuites contre le cardinal Barbarin. Le procureur avait alors conclu à la prescription du délit de non-dénonciation, considéré comme "instantané", car l’archevêque de Lyon avait eu connaissance, par un tiers, des agissements du prêtre dans les années 2000.
Mais en 2018, neuf plaignants relancent l’affaire grâce à une procédure de citation directe devant le tribunal sur la base, selon eux, d'une "mauvaise interprétation de la loi" lors du classement sans suite de leur première plainte.
Avec AFP