Dans un Japon englué dans la crise et un chômage record, le contexte économique est au cœur des débats et des programmes. À tel point qu'il devrait provoquer la chute du gouvernement conservateur au profit de l’opposition de centre-gauche.
17 août 2009 : dès l’annonce d’une timide reprise de la croissance japonaise (+0,9 % au second trimestre), le Premier ministre sortant Taro Aso, qui brigue un nouveau mandat, se précipite pour attribuer cette légère embellie aux plans de relance mis en place par la majorité entre octobre 2008 et avril 2009.
27 août 2009 : la publication des pires chiffres du chômage depuis 6 ans (5,7 % de la population active, soit 3,6 millions de personnes) fait office de douche froide. Si le Parti libéral démocrate (PLD) perd dimanche la majorité au sein de la Chambre, comme tous les sondages le prédisent, ce contexte économique désastreux y sera pour beaucoup.
L’ultra-libéralisme pointé du doigt
Car avec un PIB qui s’affaisse, un plongeon inédit des exportations et une nette diminution de la consommation intérieure, la récession est la pire qu’ait connu le pays depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Surtout, l’opinion publique n’hésite plus à attribuer cette dégradation du marché de l’emploi à la politique libérale menée ces vingt dernières années par le PLD, particulièrement par le gouvernement Koizumi (2001-2006) : libéraliser le travail et supprimer les aides sociales au nom de la responsabilité individuelle et de la libre concurrence.
En 2008, plus du tiers de la main d’œuvre japonaise était composée de travailleurs précaires contre seulement 1/5 en 1990. Et ces travailleurs précaires ont été les premiers licenciés lorsque la production industrielle, sous l’effet de la crise, s’est contractée.
Le Parti démocrate "au service des gens"
C’est dans ce contexte économique critique que le Parti démocrate du Japon (PDJ), emmené par Yukio Hatoyama, peut croire à une alternance historique (le Parti libéral démocrate est au pouvoir de manière quasi-ininterrompue depuis 1955).
Car le PDJ a bien senti monter le mécontentement et compris que derrière lui se logeait une inquiétude sociale généralisée. Son slogan de campagne fait donc mouche : "Une politique au service de la vie des gens", relayé par des vidéos promotionnelles où le candidat Hatoyama s’adresse au "monsieur Tout le Monde" japonais.
Au-delà du slogan, l’opposition japonaise entend s’attaquer aux inégalités sociales que la crise exacerbe. "Notre stratégie, c’est de commencer par améliorer les revenus des ménages, ce qui fera ensuite croître l’économie", explique Yukio Hatoyama. Pour ces ménages, le PDJ propose de distribuer des allocations familiales, de rendre l’enseignement public secondaire gratuit, de supprimer les péages autoroutiers (nombreux et exorbitants au Japon) et de réduire les taxes sur l’essence.
Le programme économique du PDJ n’oublie pas non plus les seniors (retraite minimum garantie, baisse des frais médicaux), les travailleurs précaires (augmentation du salaire minimum, limitation de l’intérim) et les sans-emplois (allocations pour les chômeurs en fin de droits).
Financement et endettement
Mais comment financer un tel programme, chiffré à 16 800 milliards de yens (environ 125 milliards d’euros) par an à partir de 2012 ? Limiter les gaspillages budgétaires ne devrait pas suffire et dans le pays développé le plus endetté du monde (environ 200 % du PIB en 2009), lever de nouveaux emprunts sera difficile. La hausse de la TVA (5 %), serpent de mer de la politique fiscale au Japon, reste un levier possible, mais il fait peser le danger inflationniste et le PDJ a promis de ne pas y toucher avant les prochaines législatives en 2013.
Le PLD, au pouvoir, pointe le danger d’un programme économique jugé "irréaliste", presque "socialiste", mais limite le sien à des promesses sans véritables moyens : une croissance de 2 % à partir de 2010 et une augmentation du revenu annuel de chaque ménage d’un million de yens (environ 7600 euros) sur dix ans. Le PLD attendait en fait que les effets de ses quatre coûteux plans anti-crise se fassent sentir. Le Premier ministre Taro Aso a peut-être convoqué trop tôt ces élections législatives anticipées…