
La lutte coréenne est inscrite depuis lundi au patrimoine culturel immatériel de l'Humanité, après une candidature commune de Pyongyang et de Séoul auprès de l'Unesco. Une démarche sans précédent.
C'est une première. Les deux Corées, officiellement en guerre depuis le conflit de 1950-53, ont obtenu lundi 26 novembre, à l'issue d'une candidature conjointe, l'inscription de la lutte coréenne sur la liste du patrimoine de l'Unesco.
Cette démarche marque une nouvelle étape dans leur réconciliation, entamée par un rapprochement spectaculaire ces derniers mois. La Corée du Nord et la Corée du Sud ont d'abord présenté des dossiers séparemment, avant de les fusionner. Une décision sans précédent.
"Le fait que les deux Corées aient accepté de fusionner leurs candidatures respectives est sans précédent", a déclaré la directrice générale de l'Unesco, Audrey Azoulay, à l'AFP. "Ce résultat est une nouvelle illustration du pouvoir extraordinaire du patrimoine culturel comme vecteur de paix et trait d'union entre les peuples", s'est-elle félicitée.
The two Koreas ???????????????? jointly submit & get inscribed traditional Korean wrestling “Ssirum/Ssireum” on @UNESCO's #IntangibleHeritage List! This symbolic step towards inter-Korean #reconciliation shows the power of #HeritageForPeace.
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Le comité ad hoc de l'Unesco, réuni à Port-Louis, capitale de l'île Maurice, a classé la lutte traditionnelle coréenne sur la Liste du patrimoine culturel immatériel de l'Humanité.
Le "Ssirum" en Corée du Nord ou "Ssireum" en Corée du Sud, fondamentalement lié à la terre et à l'agriculture, est à la fois un sport national et une pratique culturelle. Des compétitions sont organisées périodiquement à l'occasion d'événements ou de fêtes agricoles liées au cycle des saisons.
Les deux Corées, qui partagent la même langue et la même culture, avaient jusqu'ici toujours entrepris des démarches concurrentes pour l'inscription de traditions nationales au patrimoine de l'Humanité.
"Identité commune"
En 2013, Séoul avait ainsi obtenu la reconnaissance du "kimchi" - spécialité à base de chou fermenté très prisée dans la péninsule - comme bien mondial immatériel, poussant le Nord à faire de même en 2015. Le chant traditionnel "Arirang" a connu le même scénario : l'Unesco a d'abord retenu une candidature sud-coréenne en 2012, puis celle du Nord deux ans plus tard.
Concernant la lutte coréenne, qui présente quelques similarités avec le sumo japonais, Pyongyang avait entrepris en premier des démarches auprès de l'Unesco, avant que Séoul ne lui emboîte le pas en 2016.
Une inscription conjointe sur la prestigieuse Liste du patrimoine immatériel de l'Humanité va contribuer au "sentiment d'homogénéité, d'identité commune", estime Kim Dong-sun, spécialiste des questions sportives à l'Université Kyonggi, en Corée du Sud.
D'origine ancestrale - il est représenté sur des peintures murales dès le IVe siècle - le Ssireum met aux prises deux lutteurs, portant culotte et ceinture, dans un cercle de sable. Le fondateur du régime communiste de Corée du Nord, Kim Il-sung, avait fait du développement de ce sport une priorité nationale.
Au Sud, le président autoritaire Chun Doo-hwan a aussi promu le Ssireum dans les années 1980 pour tenter de détourner l'attention de la vague contestataire à laquelle il faisait face.
Biosphère et dictionnaire étymologique
Ce sport a depuis perdu de son attrait - les équipes professionnelles sponsorisées par de grands groupes comme Samsung ont disparu - mais ses partisans espèrent lui redonner une nouvelle jeunesse à travers cette inscription commune.
L'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture travaille aussi sur d'autres projets de réconciliation, dont la rédaction d'un dictionnaire étymologique coréen, recensant les pratiques linguistiques du Nord et du Sud.
"D'une certaine manière, il n'y a que nous qui puissions avancer vraiment de manière décidée en ce moment", relève une source diplomatique à l'Unesco en rappelant les lourdes sanctions internationales qui frappent tout projet économique avec la Corée du Nord.
Une zone de biosphère pourrait aussi être créée dans la "zone démilitarisée", no man's land de 4 km de large et 248 km de long sur la frontière intercoréenne, où la nature a retrouvé ses droits après plusieurs décennies de Guerre froide.
Des initiatives sont aussi à l'étude pour permettre le partage et la gestion conjointe des eaux transfrontalières dans la péninsule.
Avec AFP