
Il est le candidat de la gauche pour la présidentielle du 27 mai. Gustavo Petro, 58 ans, ancien maire de gauche de Bogota et ex-guérillero du M-19 dissout, a séduit les foules avec un programme anti-système, favorable aux plus humbles.
Jamais un ex-guérillero n'a tant séduit en Colombie. En lice pour le premier tour de la présidentielle du 27 mai, Gustavo Petro, ancien maire de Bogota de 2012 à 2015 et ex-militant du groupe Movimiento 19 de Abril (M-19), rêve de porter la gauche au pouvoir dans un pays historiquement gouverné par la droite.
À 58 ans, cet ancien sénateur, présenté par les journaux conservateurs comme un "populiste" voulant faire de la Colombie un "nouveau Venezuela", est donné deuxième pour le premier tour de scrutin de dimanche. Si les sondages se confirment, il sera le premier candidat de gauche à aller au second tour d'une présidentielle. Il pourrait affronter le 17 juin son adversaire de droite, Ivan Duque, poulain de l'ancien chef de l'Etat Alvaro Uribe (2002-2010) et champion d'une coalition conservatrice menée par le Centre démocratique (CD).
Pour parvenir à ses fins, Gustavo Petro a donné de la voix dans plus de 35 meetings publics pendant les trois mois de campagne, où il a martelé son discours anti-système et sa défense des plus humbles, dans un des pays les plus inégalitaires des Amériques, après Haïti et le Honduras.
Né dans le village caribéen de Cienaga de Oro, la plupart du temps vêtu d'un jean et d'une chemise ample, l'économiste de 58 ans plaide pour un changement de modèle économique en taxant davantage les riches, en particulier les grands propriétaires terriens, en abandonnant les énergies fossiles, en augmentant les dépenses sociales et en rendant l'enseignement gratuit. Il séduit avec sa proposition de substituer les énergies fossiles par des énergies propres, de ne pas emprisonner les drogués mais de les soigner, et d'autoriser l'adoption aux couples homosexuels. Il milite également en faveur des négociations avec les guérillas.
Son véhicule a été la cible de tirs début mars
Le candidat du mouvement Colombie humaine avait rejoint à l’âge de 17 ans le Mouvement du 19 avril (M-19), date qui par coïncidence est celle de sa naissance en 1960. Cette guérilla est née de l'insurrection de jeunes militants de gauche, urbains, qui mettaient en cause le marxisme, et se sont rebellés en 1970 contre des fraudes électorales favorisant le Parti conservateur. Vingt ans plus tard, le M-19 signait la paix, déposait les armes et contribuait à rédiger la Constitution qui régit le pays depuis 1991. L'engagement de Gustavo Petro lui a valu d'être arrêté et - selon ses dires - torturé par l'armée dans les années 1980.
Gustavo Petro, qui s'est fait remarquer au Parlement, où il a siégé plusieurs fois entre 1994 et 2010, en dénonçant la corruption et les liens entre politiques et paramilitaires d'extrême droite, polarise. Son véhicule a été la cible de tirs début mars, faisant craindre à ses partisans qu'il ne soit assassiné, comme cinq candidats à la présidence depuis un siècle et plusieurs centaines de militants syndicaux au cours de l'année écoulée.
Outre un ego surdimensionné, ses adversaires lui reprochent d'alimenter la lutte des classes. Et, bien que critiqué pour sa mauvaise gestion à la marie de Bogota et son tempérament autoritaire, il est apprécié des jeunes et des classes populaires.
Le champion de la gauche est le candidat qui comptabilise le plus d'abonnés sur Facebook et Twitter. Il semble le plus doué pour combiner art oratoire et réseaux sociaux.
Robert Karl, universitaire de Princeton et auteur du livre "La Paix oubliée", pense que le phénomène Petro est unique, comparé à Timochenko, le chef Farc qui s'est retiré de la campagne présidentielle après les déplorables résultats obtenus par le parti de l'ex-guérilla aux législatives de mars.
"Il serait impossible d'imaginer Timochenko, guérillero rural, comblant les places comme Petro. Petro est ex-guérillero, mais il est aussi ancien maire de Bogota", a-t-il souligné à l'AFP.
S'il parvient à déjouer les pronostics dimanche ou le 17 juin, Gustavo Petro verra néanmoins sa marge de manœuvre limitée par un Congrès (parlement) où la droite a confirmé sa majorité lors des législatives du mois de mars.
Avec AFP et Reuters