L'accord de gouvernement italien entre les populistes du Mouvement 5 Étoiles et de la Ligue du Nord, dévoilé le 17 mai, comporte des points, surtout économiques, qui effraient Bruxelles.
Dorénavant, il est question de "risque italien". Un peu comme en 2010, quand l'Europe faisait référence aux "risques" grec, portugais ou irlandais, trois pays qui ont dû être sauvés de la faillite par l'UE et le FMI.
En cause : l'accord de gouvernement entre les populistes du Mouvement 5 Étoiles (M5S) et de la Ligue du Nord qui a été rendu public jeudi 17 mai. Le document a fait chuter, jeudi, la Bourse de Milan où l'action des banques a perdu environ 10 %.
Le spectre de la dette italienne
Le compromis politique, fruit d'une longue et tumultueuse négociation entre les deux partis sortis vainqueurs des législatives de mars 2018, détaille un programme qui a de quoi faire peur à Bruxelles et aux marchés financiers européens. Pourtant, le document dévoilé a été expurgé des mesures les plus controversées, comme un éventuel "Italexit" et l'exigence que l'Europe efface une partie de la dette italienne.
Le volet économique de cet accord leur apparaît malgré tout comme une bombe à retardement. Le M5S et la Ligue du Nord ont l'intention de baisser des impôts, d'instaurer un revenu de citoyenneté pour les plus démunis et assouplir des conditions de départ à la retraite.
Un programme anti-austérité "qui va être compliqué à mettre en œuvre pour eux", explique à France 24 Jean-Louis Fournel, historien de la pensée politique italienne à l'Université Paris 8. Le document ignore, en effet, la sacro-sainte règle de rigueur budgétaire défendue par Berlin et la Commission européenne. Le programme commun ne fait aucune référence au financement de ces mesures qui risquent de plomber un peu plus le déficit et la dette italiens.
Pour Bruxelles, le pays ne peut se le permettre. Sa dette publique atteint plus de 130 % du PIB, ce qui en fait déjà l'un des États membres à la santé budgétaire la plus fragile. "L’Italie doit maintenir sa politique actuelle en réduisant progressivement le déficit et la dette", a prévenu Valdis Dombrovskis, le vice-président de la Commission européenne, jeudi 17 mai.
Le précédent Syriza
Mais l'UE n'a pas que le bien-être italien en tête. Les finances européennes pourraient ne pas suffire pour venir à la rescousse de Rome si une crise de la dette frappait la troisième économie de la zone euro. Un effondrement transalpin créerait alors une onde de choc économique à même d'enrayer la croissance européenne tout juste retrouvée.
Bruxelles manque cependant de moyens de pression. L'Union européenne pourrait adopter la même stratégie qu'avec la Grèce en 2015. La Banque centrale européenne avait alors décidé de couper les liquidités aux banques grecques, ce qui avait poussé le gouvernement Syriza à abandonner une partie de son programme anti-austérité.
Mais une telle approche est plus difficile à mettre en œuvre en Italie. Le secteur bancaire italien pèse bien davantage que celui de la Grèce et un grand nombre d'institutions financières européennes, impliquées en Italie, se retrouveraient fragilisées par ricochet. Sans compter que, politiquement, la Banque centrale européenne aurait du mal à justifier d'imposer une telle sanction à l'un des cinq pays fondateurs de l'Union européenne.